mouvement social : ce que Solidaires 35 avait l’intention de dire au Conseil municipal de Rennes

L’Union syndicale Solidaires 35 avait demandé à intervenir lundi 23 mai dans le cadre des questions au Conseil municipal de Rennes.

Malheureusement, les portes du Conseil étaient closes et aucune question n’a pu être posée. C’est pourquoi nous publions ci-dessous le texte que Solidaires 35 avait l’intention de lire.


Madame la députée-maire, mesdames messieurs les conseillers,

Depuis le 7 mars, un mouvement social d’une pugnacité exceptionnelle se déroule un peu partout en France et notamment à Rennes.

L’opposition à la loi El Khomri cristallise une multitude de rancœurs accumulées par les salariés : le recul sur les retraites, la stagnation des salaires, la baisse du pouvoir d’achat, le démantèlement des statuts, le délitement des services occasionnant de longues luttes comme au CHGR de Rennes par exemple.

La gauche et la droite se partagent les lauriers avec un match nul : 5 ans de gouvernement Sarkozy, c’est 1 million de chômeurs de plus toutes catégories, 5 ans de gouvernement Hollande, c’est 1 million de chômeurs de plus toutes catégories. Le match est nul et ce que le mouvement social vous dit, c’est que vous êtres tous disqualifiés.

Le gouvernement que soutient madame la députée maire, je dis députée maire puisque vous êtes une vraie cumularde de fonctions, est faible, détestée par les ¾ de la population, incapable de réunir une majorité sur la loi El khomri après le projet de loi imbécile sur la déchéance de la nationalité

Un gouvernement affaiblit est évidemment très dangereux puisqu’il ne lui reste plus qu’une seule carte à jouer : l’emploi massif de la répression policière et l’emploi massif de fausses informations pour effrayer le bon peuple.

Au-delà des revendications classiques et syndicales portées par les syndicats représentatifs, c’est bien la jonction avec la mobilisation de la jeunesse qui vous pose problème. Vous et votre gouvernement êtes incapables de comprendre ce mouvement social de fond. Vous ne comprenez rien parce que cela fait bien longtemps que vous avez perdu toute notion de ce qu’est le peuple d’aujourd’hui.

Vous avez voulu dépeindre les manifestants comme des criminels et des délinquants. Solidaires 35 a donc fait la liste de ceux qui, par exemple, passaient devant le tribunal correctionnel de Rennes le 22 avril : il y avait un infirmier, un ouvrier de l’automobile, un étudiant, un lycéen, un sans-travail. Bref, des gens ordinaires qui font tourner la société. C’était une vraie représentation du peuple.

On aurait pu penser que la justice se pencherait sérieusement sur les associations de malfaiteurs qui font de l’évasion fiscale massive. Mais non, votre gouvernement les aime bien au point de négocier avec eux.

Ainsi, non seulement vous êtes ultra minoritaire, détestée mais, de plus, votre justice condamne le peuple dans toutes ses composantes depuis le début des manifestations contre la loi El Khomri.

Dans article paru samedi dernier, l’historien Sirot titrait son article : « la révolte du peuple qui se sent exclu ». Ceux que vous insultez à longueur de communiqués, en compagnie du préfet et selon le plan de communication décidé nationalement par Cazeneuve, ne sont que le peuple qui se sent exclu. Ils sont ce que votre merveilleuse gestion de droite ou de gauche a produit depuis plus de 10 ans : des jeunes gens et jeunes femmes qui ont un pied dans les études, un pied à pôle emploi, un pied dans de multiples stages mais, surtout, ils peuplent vos CDD puisque 85% des embauches se font en CDD débouchant sur pas grand chose.

L’historien Sirot poursuivait en écrivant : « La révolte du peuple qui se sent exclu montre une forme de haine vis-à-vis de ce qu’il voit comme une oligarchie du pouvoir. C’est davantage la colère qu’un projet politique »

Précisément, vous êtes tellement perchée dans les centres d’affaires et dans le cumul de vos fonctions que vous n’arriverez jamais à comprendre pourquoi ce mouvement social dure, pourquoi il est ancré dans le tissu social. C’est pourtant les gouvernements successifs et celui que vous soutenez, qui ont produit ce tissu social. Comme vous n’y comprenez rien, il vous faut déformer la réalité au point de vous rendre ridicule.

Dépassée par les évènements, c’est au moins depuis le 12 mai que la stratégie de communication et la stratégie policière a été directement prise en main par le ministre de
l’intérieur Cazeneuve. Cette stratégie, c’est celle de la répression, de la peur, de la suppression de deux libertés fondamentales : la liberté de circuler, la liberté de manifester.

Après les manifestations violemment réprimées des 9 et 28 avril, l’Union Syndicale Solidaires pensait que vous et votre gouvernement aviez compris que la stratégie de la peur et de la répression n’avaient aucun avenir.

C’est pourquoi, l’union syndicale Solidaires d’Ille-et-Vilaine avait signé une convention d’occupation de la salle de la cité maison du peuple. Et les faits nous ont donné raison.
A partir du 3 mai, la tension a fortement baissé dans la ville de Rennes, il n’a eu aucune manifestation violente et quasiment pas de dégradation, il y a même eu une manifestation place de la mairie sans incident majeur !

A partir du 12 mai, Cazeneuve, qui a repris la main, a imposé une communication faisant passer les opposants à la loi El Khomri pour des malfaiteurs ou des criminels. Le 13 mai, Cazeneuve met fin à cette période d’accalmie et fait intervenir le RAID pour déloger manu militari les jeunes occupants de la maison du peuple. L’union syndicale Solidaires proposait au contraire de prolonger cette mise à disposition de la maison du peuple pour stabiliser un mouvement déterminé.

L’union syndicale Solidaires n’a pas cerné de suite votre stratégie policière. Mais la manifestation du vendredi 13 mai au soir nous a renseigné assez rapidement sur vos intentions. Pendant que la manifestation circulait dans la ville de Rennes suivie par une multitude de policiers en civil, les CRS prenaient tranquillement leur pause place de Bretagne.

Il s’agissait, à partir de vitrines cassées ce vendredi 13 mai, de justifier le délire sécuritaire du samedi 14 mai, jour de manifestation contre les violences policières.

Cazeneuve, votre ami, inondait les médias de fausses informations alarmantes : les black Block allemands allaient fondre sur Rennes, les manifestants nantais et parisiens allaient mettre à feu et à sang la ville de Rennes. A vous lire ou vous entendre, les martiens allaient débarquer.

Ceci a justifié des méthodes employées le 14 mai par le ban et l’arrière ban de la police armée. Des méthodes que ne renierait pas Poutine vis à vis de ses opposants : fouilles au corps, nombreuses arrestations préventives pour tout et n’importe quoi, un opinel, des lunettes de plongée, un maillot de bain, un tube de sérum physiologique.

La réalité s’est imposée par rapport à vos fantasmes : ce 14 mai c’était une manifestation ordinaire par des gens ordinaires. Ce qui n’était pas ordinaire, c’était le recours à 2 hélicoptères, 4 canons à eau, 500 policiers casqués ! Il ne manquait plus que les Rafales et les drones.

A partir du 12 mai, les syndicats représentatifs ont été scandaleusement surveillés. C’est ainsi que l’union syndicale Solidaires a constaté que la BRI prenait en photo, à partir d’appartements voisins, tout adhérent, militant ou salarié qui se rendait au siège de Solidaires, particulièrement ceux qui voulaient rencontrer notre permanence juridique.

Nous, syndicalistes de Solidaires et de SUD qui avons des mandats de délégués du personnel dans tous les secteurs professionnels parce que les salariés nous font confiance, nous sommes donc considérés par votre gouvernement comme des criminels. Nous ne l’oublierons pas !

Le gouvernement que vous soutenez a donc franchi un cap dans la répression et dans l’intimidation. Vous avez perdu les pédales en faisant intervenir le RAID puis aujourd’hui la BRI.

Votre gouvernement voulait faire croire à l’existence d’une association de malfaiteurs qui terrorisait la Ville de Rennes. Les super flics de la BRI venus à Rennes sont tombés sur 19 pieds nickelés qui s’apprêtaient à mettre de la mousse dans quelques composteurs du métro.

Vous deviez faire mousser votre plan de communication de la peur pour trouver des malfaiteurs et vous avez trouvé de la mousse dans les composteurs…

La stratégie de la peur et de la dissuasion a échoué. Définitivement.

Votre communication et votre stratégie de la peur ne dissuadent pas les opposants à la loi El Khomri et, plus globalement, les opposants aux mesures gouvernementales de se mobiliser comme le démontrent les grèves et blocages de la semaine dernière.

Pour la semaine qui s’annonce, la mobilisation ne faiblit pas et les salariés de la route du rail et des raffineries prennent le relais.

Nous avons déjà expliqué pourquoi ce mouvement social est constant, profond, intelligent, réfléchi et déterminé.

Il est un élément supplémentaire qui renforce notre détermination : votre hypocrisie.

En effet, votre gouvernement fait des envolées lyriques sur la financiarisation et le premier acte du gouvernement Hollande est de verser 6,4 milliards à DEXIA afin de continuer à étrangler les collectivités territoriales.

Le gouvernement que vous soutenez fait des envolées lyriques sur les rémunérations des
patrons, voire des actionnaires et les patrons du CAC 40 s’augmentent de 20 à 65% par an tandis qu’une caste de dirigeants s’augmentent années après années de plus de 10 %, notamment dans les entreprises publiques.

Le gouvernement fait des envolées lyriques sur la rigueur et l’éthique et l’association de malfaiteurs qui va de Cahuzac à Balkany, championne du monde de l’évasion fiscale continue ses affaires.

La liste est tellement longue que nous y serions toute la nuit.

La liste est tellement longue qu’elle est le support de la durée illimitée du mouvement social qui agit depuis 3 mois.

En général, quand une association intervient devant votre conseil municipal, c’est pour demander des faveurs, voire de l’argent public comme ces commerçants dont pourtant une grande partie d’entre eux ont fait un chiffre d’affaire exceptionnel depuis 3 mois, notamment les bars, les restaurants, la restauration rapide, les boulangeries, etc. Certes, certains n’ont qu’un tiroir caisse à la place du cœur.

Non, L’intervention de l’union syndicale solidaires d’Ille-et-Vilaine n’a pour seul but que de prendre date et de s’inscrire dans l’histoire de la ville et du département.

Elle aurait pu avoir pour but de vous faire réfléchir à la persistance de ce mouvement social, à son contenu, à ses causes et à ses conséquences. Mais comme on dit dans l’enceinte d’un tribunal, vous n’êtes pas accessible à cette réflexion.

La sagesse et l’intelligence auraient dû conduire au retrait de la loi-travail. Mais manifestement ces qualités sont absentes du gouvernement Hollande.

La Ville et vous, Mme Appéré, sont aujourd’hui des noms qui sont associés à 261 blessés, dont 49 hospitalisés, un jeune brillant étudiant qui perd un œil grâce la sophistication des armes comme les LBD 40.

L’utilisation de 1 400 grenades lacrymogènes et de plus de 300 tirs de flash-ball n’ont pour le moment causé la mort de personne et nous en sommes heureux.

Mais votre stratégie policière, votre volonté de faire peur à la population, votre plan de communication, vos appels à toujours plus de répression ne peut qu’aboutir à cette extrémité.

Compte tenu de l’attitude du gouvernement et de la votre, l’union syndicale Solidaires 35 n’a aucun état d’âme à avoir pour vocation le regroupement de l’ensemble des opposants à la loi El Khomri, à soutenir l’ensemble des initiatives pour obtenir son retrait, à soutenir tous les manifestants victimes de la répression.

Rennes le 23 mai 2016